12 septembre 2007
Dernière nouvelle, après une suppression massive de postes dans l'enseignement, Xavier Darcos, le ministre de l'éducation veut désormais "faire de la France une nation bilingue". Oh yes, repeat after me, a bilingual nation.
Et comment veut-il y arriver ? Avec un "dispositif de visioconférence pour soutenir l'enseignement précoce de l'anglais".
Voici ce que j'en pense:
1)
Avant de s'attaquer à l'apprentissage des langues étrangères, il faudra déjà s'assurer d'avoir endigué l'analphabétisme et l'échec scolaire, car des enfants qui sauront seulement faire des fautes dans plusieurs langues, ça n'a pas tellement d'intérêt.
Aujourd'hui, on constate que pour certains enfants, les problèmes commencent dès le CP pour ensuite s'aggraver d'année en année, jusqu'au moment où ces enfants n'apprennent plus rien à l'école.
2)
La technologie, c'est bien, mais pour donner envie d'apprendre une langue, il vaut mieux privilégier le contact direct et humain. Seul un professeur présent sur place pourra travailler de façon efficace avec la classe entière et pas seulement avec quelques bons élèves.
En plus, il y a des milliers d'étudiants de tous les pays du monde qui seraient ravis de financer leur études en France avec quelques heures de cours par semaines.
3)
Pourquoi toujours se focaliser sur l'Anglais ?
La sauvegarde de la langue et culture française passe davantage par l'apprentissage d'autres langues.
Un exemple : Un Français et un Allemand se rencontrent, et chacun d'eux ne parle pas la langue de l'autre. Du coup, ils seront tous les deux obligés de s'exprimer en Anglais. Dommage !
Un autre exemple : Une entreprise veut exporter ses produits en Espagne. Si le vendeur maîtrise l'Espagnol, il aura un grand avantage par rapport aux vendeurs qui ne maîtrisent que l'Anglais.
Dommage de vouloir absolument que tout le monde apprenne l'Anglais, car un Français aura certainement plus de facilité d'apprendre l'Espagnol (et de s'imprégner de la culture espagnole) que par exemple un Norvégien.
4)
Le fait de vouloir "démarrer" avec mille écoles, c'est en même temps beaucoup trop pour de l'expérimentation et pas assez pour éviter que le fossé entre les établissements déjà privilégiés et les lanternes rouges ne se creuse pas davantage.
En même temps, ce dispositif sera la "carotte" qui pourra être utilisé pour faire filer droit bon nombre d'établissements.
5)
Compte tenu du milieu scolaire et des avancées technologiques de ces dernières années, il y a des chances que tout le matériel acheté au prix fort sera déjà cassé, volé ou obsolète après quatre ou cinq ans, ce qui voudra dire que même des investissements très lourds ne pourront jamais garantir la pérennité et la rentabilité d'un tel projet.
Pour résumer, un projet coûteux, peu efficace, contre-productif par rapport à langue française, car renforçant la domination de l'Anglais, et surtout un projet qui risque d'aggraver les inégalités déjà existantes.
(Source concernant le projet de Xavier Darcos : Un article de 20 minutes).
Libellés : bilingualisme, échec scolaire, éducation, inégalités, mauvaises blagues, projets foireux
L'objectif est bon : permettre au plus grand nombre de maîtriser au moins 2 langues.
Pour les moyens, je t'avoue ne pas être trop compétent, si je prends mon cas personnel, rien ne vaut l'immersion dans un pays étranger.
Par contre là où je te suis c'est sur l'hégémonie de l'anglais, il me semble important d'apprendre d'autres langues et de connaître d'autres cultures...
Le problème se situe plutôt au niveau des méthodes. Si l'on veut utiliser la visioconférence et des tableaux numériques interactifs avec des enfants des CM2, il faudrait des classes pas trop grandes (pour éviter que les enfants au fond de la classe et les enfants moins attentifs "décrochent") et une bonne intégration de ces cours. Ensuite, il faudrait payer le prof qui enseigne à distance, payer le réseau et l'équipement, etc. etc. A mon avis, une heure de cours à distance coûtera environ trois fois plus cher par élève qu'une heure de cours donné par un assistant étranger. Ceci sans avoir prouvé que la méthode préconisé par Darcos est vraiment plus efficace une fois l'effet gogo gadget passé.
L'immersion est en effet la meilleure méthode pour apprendre une langue, et la présence d'un assistant étranger dans le rôle de l'enseignant sur place s'en rapproche beaucoup plus que le meilleur cours high-tech à distance.
Ensuite, je suis contre l'emploi abusif du terme "bilingue". Pour moi, une personne bilingue est quelqu'un qui maitrise parfaitement deux langues, au point qu'on puisse presque plus se rendre compte laquelle des deux langues vient en deuxième position. Bilingue ne veut pas dire se débrouiller dans une langue étrangère ou avoir peu d'accent.
Faire de la France une nation bilingue, cela me paraît un objectif tellement énorme qu'il faudrait certainement doubler le budget de l'Education Nationale pour pouvoir y arriver.
D'où un certain agacement de ma part, surtout quelques semaines après l'annonce de ne pas remplacer entre 10 et 17 mille fonctionnaires de l'Education Nationale qui partiront à la retraite.